•• LET'S DO THE TIME WARP AGAIN
Première séance. 12h15.Il est là, debout sans broncher. Il n'a qu'une cigarette au bout des lèvres. Il la mordille doucement, il n'a rien à faire là. Le grand homme est devant lui, s'approche et lui fait un sourire crispé. Silas croise son regard pendant un instant et il ignore la main tendue devant lui pour se diriger vers les grandes baies vitrées. Ces dernières donnent sur l'immense station du Capitole. Ses bras sont derrière son dos, il semble ne plus respirer. Il admire longuement la vue, prêtant attention au moindre petit détail. Les vaisseaux qui s’engouffrent dans le hangar, d'autres qui disparaissent au loin, produisant quelques étincelles bleutés dans l'espace.
Le psychiatre est sur ses gardes. Silas se retourne vers lui et lui fait un sourire transpirant le sarcasme. Il ne dit rien. La pièce est plongée dans un long silence, entrecoupé des respirations des deux homme s'y trouvant. Il bouillonne intérieurement. Il n'a qu'une chose c'est d'envoyer la table basse en verre en l'air et de claquer la porte derrière lui. Le Docteur le sait, c'est Mme Caldin qui a prit rendez-vous. Des séances individuelles et des séances de couple.
« Mr Caldin, je suis le docteur Hershën ».Oui. Il a tout l'air de l'idiot qui écoute les malheurs des gens et aime avoir de l'importance dans leur vie. Ce dernier s'assoit en regardant son patient et lui fait signe de s’assoir à son tour dans un grand fauteuil. C'est l'endroit où il gens débitent toutes leurs petites histoires, leur échecs et leurs relations intimes bien entendu. Pourtant il l'a écouté, patiemment parler le bien que leur ferait une thérapie ensemble. C'est vrai que leur vie de couple n'était pas très stable. Leur mariage était menacé depuis quelques années, mais là le point de non retour serait bientôt franchi.
« Si nous commencions ? »Il avait dit oui à sa femme uniquement pour lui faire plaisir. Il avait autre chose à faire que de balancer sa vie intime à n'importe qui. Alors il est là car il a dit oui, tout simplement. Il s'assoit alors dans le canapé, prenant soin d'écraser sa cigarette dans le cendrier avec un certain dédain dans le regard à l'adresse du docteur. Ce dernier est en face de lui, près de son bureau. Il est prêt à taper frénétiquement sur son ordinateur.
« Bien, parlez moi de vous ».Mis à part le fait qu'il avait envie de lui jeter le cendrier en pleine face ? Il n'avait pas grand chose à dire. Le docteur croise ses jambes. Silas étend ses bras de part et d'autre du fauteuil, son regard est dirigé vers celui de Caleb, il ne bronche plus.
« Que voulez vous savoir Monsieur Hershën ? ».Il n'est pas mauvais ou méchant. Il est juste cynique.
« Parlez moi de vos parents ».« Décédés ».Il sent d'ici le malaise présent chez le psychiatre. Il commence à écrire ses notes.
« Parlez moi en en détails je vous prie ».Il avait porté une attention particulière à ses trois derniers mots, les articulant soigneusement, le regard rivé sur son écran.
« Ma mère est morte lorsque j'avais huit ans. Mon père m'a élevé seul ».Il continue de taper. Il ne tourne pas un regard vers Silas.
« Comment étaient vos relations avec votre père ? ».Silas soupire. Un long soupir qui en dit long.
« Mauvaises. Il n'était pas très tendre ».« Et votre enfance dans tout ça ? ».Silas souffle encore, croise les jambes. Il regarde le docteur. Il n'a pas envie de lui dévoiler sa vie. Il reste encore quarante-cinq minutes de souffrance.
« Compliquée. J'étais empli de haine à la mort de ma mère, mon père également. Il m'envoyait aux classes privées du Capitole pour se débarrasser de moi ». Les souvenirs lui montent en tête, déversant encore plus de la colère à celle déjà présente. Il sent ses tempes palpiter. Il transpire. Il veut que ça s'arrête. Maintenant.
Deuxième Séance. 12h40.Il est en retard. Le Docteur est seul dans son immense cabinet sur son ordinateur. Cinq minutes. Caleb est passablement énervé alors pour se calmer, il consulte ses mails, ses dossiers. La porte s'ouvre sur Silas, tout vêtu de gris dans son costume. Il ne s'excuse pas non. Le docteur se tourne, se lève.
« Bien le bonjour, nous n'avons pas de temps à perdre, commençons tout de suite ».« En effet ».Il s'assoit, croise les jambes. Sa main se dégage de sa poche pour chercher son étui à cigarettes.
« La dernière fois nous avons parlé de vos parents, parlons aujourd'hui de votre mariage ».Il ouvre l'étui dans un bruit métallique et porte à sa bouche mal rasée une cigarette et l'allume sans aucune gêne. Il crache un nuage de fumée devant lui et s'installe confortablement dans le fauteuil. Deux semaines qu'il n'est pas venu, maintenant qu'il est là, autant prendre ses aises.
« Je vous écoute ».Il arbore un petit sourire en coin.
« Cela fait bientôt vingt ans que vous êtes ensemble si j'ai bien compris ? ».Il se redresse.
« Ma femme vous la dit non ? Pas tout à fait ».« Dites moi alors ».« Nous nous sommes connus en classe privée. On ne faisait que de se battre. C'était notre unique moyen de communication vous voyez. Un jour, elle m'a cassé le nez, j'étais en sang, alors nous avons su tous les deux que nous étions fait pour être ensembles. Rien de plus. »« Que s'est-il passé ensuite ? ».Il crache à nouveau la fumée, plus rapidement pour répondre à sa question.
« Nous nous sommes mis ensembles. Peu de temps après mon père avait décidé de définitivement se débarrasser de moi en m'envoyant à Aran Prime. J'ai perdu de vue Maxine pendant près d'un an. Nous ne cherchions pas vraiment à nous contacter à vrai dire »Pourtant il l'aimait, il le savait. Mais c'était plus fort qu’eux, il n'arrivaient pas à se dire les choses. Alors ils s'évitaient.
« Mon père est mort pendant l'année, j'ai dû rentrer pour l'enterrement. J'ai su à ce moment là qu'avec l'argent de l'héritage je pourrais réaliser mon projet. J'ai donc continué dans cette voie ».« Nous parlons de BioCorp j'imagine et ensuite ? »Il finit sa cigarette qui lui brûle presque les lèvres. Il l'écrase dans le cendrier déjà plein de mégots.
« C'était comme si on n'était plus ensemble. Pourtant elle savait qu'elle était à moi et inversement. Elle avait osé se ramener à une soirée à l'académie avec un connard au bras. Alors je l'ai frappé, son Jared. Je l'ai frappé jusqu'à ce qu'elle m'arrête en me cognant à son tour. »« Continuez ».
« Quand elle s'est arrêtée, je lui ai attrapé le bras. Je n'avais que ça en tête. »
Il se souvient qu'il avait monté les escaliers et défoncé une porte. Il se souvient l'avoir embrassée, l'avoir prise dans la buanderie. Sang et bleus.
« Quoi donc ? »« De l'embrasser. »De la griffer. De la mordre. De la tordre contre lui. De se sentir en elle.
« J'imagine que votre vrai relation à commencé à partir de là ? »« Oui ».Troisième Séance. 12H25Il arrive en retard, encore. Cette fois ci le médecin n'est pas assis. Il n'est pas devant son écran. Il fait les cents pas. Il n'aime pas les personnes irrespectueuses. Les personnes en retard par exemple. Comme d'habitude, Silas entre, toujours aussi bien habillé, s'assoit et prends une cigarette.
« Bien Monsieur Caldin, récemment nous avons parlé de votre mariage. Voulez vous ajouter quelque chose à ce sujet ? » « Pas vraiment ».Silas tire sur sa clope. Tout sourire narquois a disparu de son visage. Il n'est clairement pas d'humeur à jouer.
« Avez vous déjà trompé votre femme ? »Il expulse légèrement de la fumée par les narines. Il s'avance sur son fauteuil et fixe ses yeux dans celui du docteur. Il ne plaisante pas.
« Non ».Alors il se lève. Il sent sa colère faire palpiter ses tempes, contrôler presque chaque partie de son corps. Il tremble presque. La porte claque et le silence retombe.